dimanche 22 septembre 2013



PROFANES

de

Jeanne BENAMEUR




Ce roman est bien plus qu'un roman.
Il vous trimbale d'émotions légères en profondes craintes, de réminiscences en purs ressentis.

Vous avez pour habitude de corner les pages aux extraits qui vous ravissent...votre livre, lu,  ressemble à un éventail. Tant et tant de phrases à garder au fond de soi. Des phrases qui prennent à la gorge, aux tripes, au cœur. 

Un roman qui ne vous lâche plus mais que vous cherchez partout, car évaporée que vous êtes, plongée dans les pensées qu'il vous inspire, vous l'oubliez, sur le plan de travail de la cuisine, sur la plage arrière de la voiture, au bord de la baignoire, au coin d'une cheminée ... mais jamais au fond d'un placard...

Il vous happe mais vous le stoppez net. Impossible de le finir trop vite, vous le faites traîner, vous le savourez, revenez en arrière, repartez de l'avant ... vous ne voulez pas de fin. Alors vous avancez doucement, vous laissant porter par la tendresse des mots, la justesse des personnages que vous finissez par aimer, forcément vous les aimez...
Et c'est douloureux de quitter quelqu'un qu'on aime ...

Alors vous vous dites : "et si je ne finissais JAMAIS ce livre ?" pour la première fois, vous imaginez cela, cette possibilité de ne pas provoquer le déchirement. 









"C'est un lieu où elle se sent bien. A l'abri et en même temps prête à toutes les aventures intérieures. Bordée. Elle est venue se glisser là comme entre les pages d'un livre aimé. peut-être un sourire à changer, quelques mots. Ce serait suffisant. Elle a besoin ce soir de s'appuyer à l'humanité discrète et forte de ceux qui lisent. Elle s'attarde à observer l'un et l'autre, debout, plongé dans la lecture qui l'emporte, le corps encore posé là, devant la table en bois ou les étagères, et déjà hors du monde."




Sculpture de Denis Montineu





Octave est un vieil homme seul, qui décide de se choisir quatre accompagnateurs. Ils devront passer une partie de ses journées ou de ses nuits auprès de lui.

"Chacun est porteur d'un élan de vie aussi fort que le sien, aussi fort retenu par des ombres et des blessures anciennes. Et chaque blessure est un écho". 



Un vieil homme profondément humain,  qui aime les livres et écrit des haïkus. Un homme qui a tant et tant vécu, souffert, et qui, dans ses paroles, nous renvoie un peu de nous-même.

"Quand je n'ai plus de refuge, je vais dans les mots. J'ai toujours trouvé un abri, là. Un abri creusé par d'autres, que je ne connaîtrais jamais et qui ont œuvré pour d'autres qu'ils ne connaîtront jamais. C'est rassurant, de penser ça. C'est peut-être la seule chose qui me rassure vraiment."



Un vieil homme qui malgré les terreurs de la vie fait le choix d'avancer enfin.

"Quand on avance ce sont les pieds qui mènent, et la tête qui suit.
Lui, il n'a cessé de se retourner comme un qui ne trouve pas le sommeil, pendant toutes ces années.
Depuis que les quatre sont arrivés dans la maison, il s'est mis à avancer.
Aucune main dans le ciel pour caresser la tête de ceux qui souffrent, il en est convaincu. Il faut se débrouiller comme on peut. Avec la vie trébuchante et le terrible besoin de retournement. Ce besoin qui fait qu'Orphée n’emmènera jamais Eurydice hors des Enfers, et qu'une femme sera changée en statue de sel.
Où, le sel de la vie ?"




photo de Diane Paquin



Ce roman est plus qu'un roman, car une fois refermé, vous désirez l'ouvrir encore. 
Une fois terminé, les larmes coulent sur vos joues, et vous vous dites que vous n'êtes plus tout à fait la même...







Et vous restera assurément cette citation, 
qui résonnera en vous pour toujours ...

"Les mots de l'amour il faudrait se contenter de les dire au-dessus de l'eau qui coule, dans le vent au bord de la mer. Qu'ils soient portés loin. L'amour on ne devrait jamais l'enfermer, ni dans les bouches, ni dans les coeurs. C'est trop vaste."




Toile de Philippe Beckman