dimanche 31 mars 2013








"Il est professeur de philosophie, 
affecté dans le nord de la France. 
Elle est coiffeuse et aime tout ce qu’il n’aime pas. 
On se demande pourquoi ils sont amants. 
Leurs goûts, leurs ambitions, leur langage 
ne sont pas les mêmes.
Leur histoire d’amour peut-elle durer ?"
(4éme de couv')






J’ai eu un peu de mal avec ce roman. Pour être exacte, un peu de mal avec CE personnage-LA. Un prof de philo parisien arrivé -suite à une mutation- dans un lycée d’Arras, ville qu’il déteste : 

"Arras me  hantait, prenait lentement possession de moi. J’imaginais des prétextes pour échapper à l’enfer qui m’attendait, comme adolescent lorsque je m’inventais des maladies pour manquer les cours, et l’envie de me défiler ne disparaissait alors qu’au terme d’une longue tergiversation où je finissais par flatter ma conscience professionnelle." 

Un  homme assez prétentieux, arrogant, particulièrement négatif…et narcissique…et quelque peu pervers aussi… Croyant aimer les femmes qu’il collectionne.
Mais il n’aime  pas  les femmes, il s’aime lui, à travers elles.




Décidément "pas mon genre" ce  type hautain qui critique ses élèves de STG -à la Sardou- et qui voit ses élèves de terminale ES comme  "d'arrogants petits-bourgeois". Un prof de philo qui ne considère pas l’individualité de chacun, qui fourre tout le monde dans des cases qu’il aurait préalablement constituées, vision très restrictive des autres.

Ce professeur va tenter d’instruire sa "petite coiffeuse", lui faisant la lecture d’œuvres littéraires. Elle est dubitative, préférant les romans de Musso. Il se lance dans de "fumeuses comparaisons", des parallèles entre  la coiffure et le travail littéraire.


"Ecrire un roman, disais-je, était comme réaliser une coupe, que la masse de cheveux à modeler, eh bien, c’était un peu, si elle voulait bien l’admettre, la somme des idées à laquelle l’écrivain devait donner une forme ; pour lui faire plaisir, j’ajoutais que le coiffeur était à sa manière un écrivain qui s’ignorait …"



Bref, un prof de philo qui manque particulièrement de profondeur, un personnage qui m’a un peu agacé. Du coup , j’ai lu ce roman par saccades, avec un mal de chien à accrocher vraiment.






samedi 30 mars 2013







La saison en enfer d'une femme...
l'expérience de la naissance originelle dans la mer.







"Comme nous marchions, des fusées jaillirent des réverbères. Dans un hurlement de jungle, nous avalâmes la route goudronnée avec ses maisons aux yeux clos et aux paupières de géraniums.


Photo de Diane Paquin


Nous engloutîmes les poteaux télégraphiques trépidant de messages ; et les chats errants, les arbres, les collines, les haies, le labyrinthique sourire de Sabina au trou de la serrure. la porte gémit, s'ouvrit. Le sourire de Sabina se referma. Un rossignol picorait dans la mellifluence d'un chèvrefeuille. Tout enchèvrefeuillé. Patteflûté. La maison ouvrit sa gueule à verte grille et nous engloutit. Le lit se mit à voguer."







Bouleversant, époustouflant, perturbant aussi ... 
On ne peut sortir indemne de la lecture d'Anaïs Nin. 
Ces écrits-là mêlent sensualité, poésie, érotisme et horreur. On  ferme le livre, englouti d'une traite, et on se dit que quelque chose a changé dans notre vie ...
Peu d'écrivains me font cet effet. 
Anaïs Nin me rend différente par ses mots, miraculeusement nouvelle ...







"Sur un bateau de saphir, 
je naviguais sur des mers de corail. 
Et je chantais, à la proue. 
Mon chant gonflé les voiles et les déchirait : 
où elles été crevées, le bord de l'étoffe était brûlé ; 
et les nuages aussi, par lambeaux, 
ma voix les consumait."



jeudi 14 mars 2013





LE RENONCEMENT


Philippe Vilain 


« L’écriture n’est-elle pas une autre forme de renoncement ?
 En écrivant, je commence seulement à glisser dans le temps d’après. »




Quatrième de couverture :


"Il y a huit ans, j'ai eu une liaison avec une femme. Elle était divorcée et travaillait comme vendeuse dans un grand magasin. Après toutes ces années, je me demande parfois ce qu'elle est devenue, si elle est plus heureuse maintenant. Les circonstances de la vie nous ont séparés, il est improbable qu'elles nous réunissent un jour. L'écriture est un moyen de la retrouver."

Un petit livre que l’on gobe d’un coup, mais qui laisse en bouche un goût de désillusion, de regrets … un goût de gâchis. 


"Il y a dans les sentiments amoureux des regrets qu’on voudrait effacer, des espérances qu’on voudrait satisfaire ; l’illusion d’aimer fournit souvent l’opportunité d’échapper à sa condition."

Diane Paquin



"Il y a quelque chose de tragique à vouloir retrouver notre passé par l’écriture.



La littérature est le cimetière des amours perdues dans lequel pourtant nous ne cessons jamais de revenir. "





Un roman d'analyse psychologique comme je les aime, une écriture simple et sincère. 
Philippe Vilain pourrait dire, comme Stendhal que l'amour est la grande affaire de sa vie ...






mardi 12 mars 2013






"Je n'aime pas les femmes comblées,
tout le monde pense qu'elles sont heureuses 
elles ont tout pour l'être. 
Je ne le pense pas, 
elles ne sont pas heureuses 
j'aime mieux les femmes à qui il manque quelque chose 
celles qui désirent à celles qui possèdent. 
J'aime mieux celles qui continuent d'attendre 
qui continuent de palpiter"






Monika travaille dans un institut de beauté, où chaque jour  elle malaxe des corps de femmes qui finissent par se confier, se mettre à nu dans tous les sens du terme. "Je demande rien  j'obtiens tout" dit l'héroïne.

J'ai été profondément touchée par ces portraits de femme, ces imparfaits corps de femme que raconte Fabienne Jacob, rejetant au loin les diktats de notre société qui glorifie l'apparence physique. Des femmes décrites de façon brutale, violente dans ce qu'elles ont d'intime ... des femmes dans lesquelles on se retrouve toutes un peu.
Ces croquis de femmes sont entrecoupés de souvenirs d'enfance bouleversant de sensibilité.

Une écriture assez "rustique" qui m'a beaucoup plu, car elle révèle les femmes dans leur vérité, leur sincérité. Je conçois que certaines phrases dérangent, que des mots choisis choquent, que le manque de ponctuation heurte, mais la narratrice parlent des femmes comme rarement un auteur l'a fait. Un livre original donc et plein de  passages magnifiques. Un livre que je conseille aux femmes ... et aux hommes qui aiment les femmes pour de vrai ... 



Baie de Somme  (novembre 2011)


Extrait choisi :

"La Baie de Somme, on dirait un chat qui dort, tu ne trouves pas ? a demandé Jacques.
-Si, je trouve, a répondu Grâce.
-En fait tu verras, ce n’est pas un chat qui dort, mais un bras de mer."
Jacques conduisait et Grâce avait allongé son bras vers le siège du conducteur sous le repose-tête. De temps en temps il coulait un regard sur son profil, sur ses cheveux balayés par l’air qui venait de la vitre ouverte. Parfois aussi il regardait ses bras longs et fins mais pas longtemps, il devait faire attention à la route. Malgré l’heure tardive il faisait encore tiède.
"Tu verras, je connais une route le long de la côte. Une toute petite route parfois elle est recouverte de sable à cause du vent. On l’appelle la route blanche. Parfois on ne la voit même plus tant elle est recouverte de sable ; parfois elle disparait. On la prendra, tu verras."
Grâce aimait bien quand Jacques disait "tu verras". Il y avait une raison de continuer, un avenir. Grâce aimait bien quand il y avait un avenir. 





dimanche 10 mars 2013


06h41






Deux anciens amants se retrouvent par hasard assis côte à côte dans le train Troyes-Paris de 6H41, vingt-sept ans après s'être séparés dans des conditions désastreuses.
Une sale histoire,  aux circonstances influentes pour tous les deux, mais qui a laissé des traces bien différentes. 
Durant ce trajet d'une heure et demie, leur passé remonte à la mémoire, ils revoient le film, en flash-back, mais en ont chacun une version fort différente ... 
Un film que l'on suit en espérant secrètement un happy end ... 



Photo de Franck Delautre



De ce roman à deux voix (ou voies... ;) j'ai choisi de vous livrer un passage où Cécile s'adresse intérieurement à cet homme qu'elle a aimé 27 ans auparavant. 

"J'aimais ton corps. C'est pour ça que je m'en souviens si bien. Avant toi, il y a eu des corps qui m'indifféraient, et d'autres qui me donnaient presque envie de rire. Rien qui ait accroché mon imagination. Après -même topo. [...]

Je te parle, Philippe. Je te fais une déclaration alors que tu ne ressembles plus à rien, alors que personne ne te remarque plus, que tu as plongé dans l'anonymat de la cinquantaine où nous semblons tous gris et flous [...]

J'essaie l'ironie.
J'essaie de casser cette vaguelette qui monte à l'intérieur et qui menace de grossir et de transformer en lame de fond au moment où nous rentrerons au port -la gare de l'Est, encore trente minutes, je viens de jeter un coup d'oeil à ma montre. Trente minutes pour nous jeter à l'eau, parmi les débris des années écoulées, en espérant trouver une planche, un toit, un bateau à la dérive - pour tout recommencer."



Ne ratez pas ce train-là, 
qui ressemble tant à celui de nos vies à tous...




Jan Saudek



Le temps nous égare 
Le temps nous étreint 
le temps nous est gare 
Le temps nous est train 

Jacques Prévert 


Diane Paquin





samedi 9 mars 2013



Poèmes extraits 
de 
"Vergers"


Rainer Maria Rilke








Cette lumière peut-elle
tout un monde nous rendre
Est-ce plutôt la nouvelle
ombre, tremblante et tendre
qui nous rattache à lui ?
Elle qui tant nous ressemble
et qui tourne et tremble
autour d'un étrange appui.
Ombres des feuilles frêles,
sur le chemin et le pré,
geste soudain familier
qui nous adopte et nous mêle
à la trop neuve clarté.







Tous mes adieux sont faits. Tant de départs
m'ont lentement formés dès mon enfance,
mais je reviens encor, je recommence,
ce franc retour libère mon regard.

Ce qui me reste, c'est de le remplir,
et ma joie toujours impénitente
d'avoir aimé des choses ressemblantes
à ces absences qui nous font agir.



Diane Paquin







vendredi 8 mars 2013



Loin devant les villas sur la digue, 
elle se tenait accroupie, 
les genoux au menton, 
en plein vent, 
sur le sable humide de la marée.
Elle pouvait passer des heures devant les vagues, 
dans le vacarme, 
engloutie dans leur rythme comme l'étendue grise, 
de plus en plus bruyante et immense, 
de la mer.

Baie de Somme ...


"Elle aimait de façon passionnée, obsédée, la maison de zia Amalia, la terrasse, la baie, la mer. Elle avait envie de disparaître dans ce qu'elle aimait. Il y a dans tout amour quelque chose qui fascine. Quelque chose de beaucoup plus ancien que ce qui peut être désigné par les mots que nous avons appris longtemps après que nous sommes nés. Mais ce n'était plus un homme qu'elle aimait ainsi. C'était une maison qui l'appelait à la rejoindre. C'était une paroi de montagne où elle cherchait à s'accrocher. C'était un recoin d'herbes, de lumière  de lave, de feu interne, où elle désirait vivre."






Le paradis existe bien sur cette terre ... 
à chacun de trouver le sien :)



lundi 4 mars 2013




"On peut espérer conquérir un coeur 
que l'on a pas encore conquis, alors qu'il est impossible de ranimer un coeur qui a cessé de battre pour vous. C'est la chose la plus cruelle, la plus cynique, la plus désespérante aussi, que nous apprend l'amour : celui qui, jusque-là, vous aimait, s'exaspère de tout ce qui vous concerne, au mieux comme un ennemi, au pire avec indifférence".


J'attendais beaucoup de ce roman. Sans doute influencée par la prestation de Philippe Vilain à La Grande Librairie de Busnel. Je me souviens d'ailleurs précisément de certains de ses mots :


 "mon matériau à moi c'est le banal ... 
ausculter le coeur humain ... 
à chaque nouveau livre m'immerger dans l'état amoureux..."



Le banal, oui, sans doute ... mais précisément, n'avais-je pas  envie d'autre chose, d'un matériau plus ... consistant ?


Pierre, le narrateur, apprend par un "banal" texto (: "je suis tout à toi...je suis ta salope")  que sa femme le trompe. Il reste stoïque, désespérément silencieux, immobile, médusé.

"Je demeurai interdit. Muet. Bizarrement je ne souffrais pas. Je me sentais comme sous l'emprise d'un anesthésiant local qui supprimait en moi toute sensation de douleur sans supprimer la conscience que j'aurai dû justement en éprouver, et qui dissipait toute émotion du choc sans dissiper le souvenir même de ce choc, que je ne cessais de revivre, dont je ne pouvais arrêter le retour, l'effraction, dans le cour de mes pensées."




On frise parfois l'agacement, cette absence de réaction, cette "mollesse" pouvant paraître insupportable. Le début du roman me déçoit donc légèrement (juste un peu car j'adore Philippe Vilain). 

Et puis cet homme va connaitre la jalousie, féroce, il va commencer à espionner sa femme, la prendre en filature.
et pourquoi donc ? il sait déjà tout ! 
pour "agir" écrit l'auteur ... (qui nous offrira là un passage plutôt léger et non dénué d'humour).

Tout au long du roman, le  cheminement intérieur  de Pierre,  son introspection amoureuse, subtilement dépeinte, va nous éclairer, nous illuminer...

"Je croyais découvrir ma femme quand, en réalité,c'est moi que je découvrais, à travers ma propre incompréhension et mes doutes, mon atterrement et ma jalousie, et je mesurais l'absurde de mon bonheur passé, combien ce bonheur dans lequel je m'étais vautré, duquel je m'étais gargarisé, n'avait été qu'un leurre, une façon de m'aveugler sur mon couple et de me détourner de moi : si je déplore que, pour être heureux, à tout le moins, pour avoir conscience de l'être, le bonheur dût d'éprouver dans la douleur, se payer d'un malheur, je découvrais en même temps, ironiquement j'allais dire, combien l'infidélité de ma femme m'instruisait, ce que de l'amour, de mon couple et de moi-même, cette infidélité me révélait (...)"



Diane Paquin


Au final, un roman étonnant, superbement écrit sur un couple comme tant d'autres...





dimanche 3 mars 2013

Mon roman "coup de coeur" du moment ...




"J'ai loué la chambre 
d'Oscar Wilde, à l'Hotel,
rue des beaux-Arts.
Tu ne vas pas m'y laisser dormir seule ?"





Un écrivain remarquable, tout en émotions, en nuances. Une fois le livre refermé, on ne peut s'empêcher de penser que, forcément, un homme d'une telle sensibilité ne pouvait que se faire prendre aux filets de cette sublime bipolaire.



"Cette fille était le paradis.
Et l'enfer."


Dés les premières lignes on pressent le danger, le risque lié à cette folie latente. Et on tremble par avance même si on attend, on espère cette histoire, cette passion ravageuse qui va se vivre là.

On a peur mais on en redemande ... forcément, une écriture pareille ... fuselée comme les jambes de la belle nîmoise.

Cette fille, Camille, va tenter de fuir une mère castratrice, fuir une famille qui l'enferme, la paralyse aux anxiolytiques et autres psychotropes en tous genres. 

Et lui, en héros, éros, essaiera de la sauver, des autres, d'elle-même, rejetant parfois l'idée de la folie d'un revers de manche "dandysmatique".






Elle l'attirera telles les sirènes qui, en chantant, rendaient fous les marins d'Ulysse. 
Elle l'entraînera vers le fond comme souvent les bipolaires, tellement vivants, charismatiques en diable. 
Il va donc être irrémédiablement attiré par sa beauté autant que par cette folie qui fait d'elle une personne irrésistible... au point de se perdre lui même en elle.

Des scènes parfois d'une grande violence que l'on prend de plein fouet même si l'on pouvait anticiper, même si l'on savait par avance que le désastre était imminent, que la souffrance monterait crescendo.





Un roman qui m'a bouleversé, 
qui restera gravé, tatoué dans ma mémoire 
comme ces cadenas en forme de coeur 
qu'ils portent maintenant 
sur leurs deux poignets.




"Un tatouage brut, presque carcéral. 
Comme un sceau.
Nous nous appartenions désormais. 
C'était gravé dans notre chair 
et c'est Camille qui en avait décidé ainsi."

Camille, sa Vénus, sa bardot ...






On peut avoir 40 ans, une femme, deux enfants, un métier et se conduire comme un ado plus que border line. Surtout quand on a été élevé par des parents soixante-huitards, qu’on vient de perdre sa grand-mère adorée et que son propre fils vient de fuguer.
Je nous trouve beaux est le portrait drôle et tendre d’un quadra qui a autant peur de vieillir que de ne pas être à la hauteur de ses responsabilités de père au sein d’une famille recomposée. Et qui est prêt à tout pour s’en libérer.


J'ai adoré ce roman, dont le début déjà est hilarant, l'entrée du héros dans le monde clos de la franc-maçonnerie est dépeint avec un superbe humour.

Un roman drôle et savoureux (la scène où notre quadra passe la soirée chez une certaine  Vanessa à forte poitrine ... on y croit ! :) mais aussi tendre et moelleux comme une madeleine proustienne.  Et émouvant.

Un roman qui fait passer du rire aux larmes, du rire clair de l'enfance, aux larmes de tendresse et de nostalgie de l'adulescent qui sommeille en chacun de nous.

Un roman que l'on se doit de déguster, addictif comme les nounours-guimauve-chocolat qu'on s'enfourne en matant des comédies romantiques au coin d'un feu de cheminée ... ;o)





"Quand on s'est retrouvés dehors, 
ma fille avait une main dans la mienne et, 
de l'autre, son doudou lapin réveillé. 
J'adore lui tenir la main dans la rue. 
C'est doux, très doux même, potelé, 
et ça vient se caler dans ma paume 
qui me parait d'un coup immense. 
C'est une des situations où je me sens le plus père, 
peut-être à cause de la fragilité que ça évoque. 
Je regardais notre reflet dans les vitrines, 
et je nous trouvais beaux tous les deux habillés pareil."