mardi 19 février 2013






Ce sont les paroles non-dites qui séparent les êtres, bien plus que l’absence. C’est sur cette réflexion qu’Olga, vieille dame malade, se met à écrire à sa petite-fille partie aux Etats-Unis après ses études secondaires. Partie sur des paroles pas aussi affectueuses que l’aurait voulu cette grand-mère tendre et possessive à la fois. 







Un roman que j’ai lu il y a … un certain temps déjà, 
mais dont certains mots me suivent encore ...


"Le renoncement à soi conduit au mépris"


"Il y a des vérités qui apportent 
un sentiment de libération 
et d’autres qui imposent le sens du terrible"


Photo de Diane Paquin


"Chaque fois que tu te sentiras perdue, indécis, 
pense aux arbres, 
souviens-toi de leur façon de pousser. 

Souviens-toi qu’un arbre avec beaucoup de feuillage et peu de racines peut être déraciné au moindre coup de vent,

tandis que, dans un arbre avec beaucoup de racines 
et peu de feuillage, la sève court difficilement.


Racines et feuillage doivent pousser dans les mêmes 
proportions, 

tu dois être dans les choses et au-dessus,

ainsi seulement tu pourras offrir ombre et refuge, 
te couvrir de fleurs et de fruits quand ce sera la saison.


Quand plusieurs routes s’offriront à toi, 
et que tu ne sauras pas laquelle choisir, 
n’en prends pas une au hasard, 

mais assieds-toi  et attends.


Respire profondément, avec confiance, 
comme le jour où tu es venue au monde, 
sans te laisser distraire par rien.

Attends encore et encore.

Ne bouge pas, tais-toi et écoute ton coeur.
Puis quand il te parlera, lève-toi et va où il te porte."



lundi 18 février 2013

Paris l'après-midi

Philippe Vilain


Une rencontre amoureuse 
entre un romancier et une bourgeoise 
qui trompe son ennui en trompant son mari. 

Dès la première page, le ton est donné : 

"Mon insouciance surprendra peut-être 
si j’avoue n’avoir jamais éprouvé le moindre remords de cette complicité, 
elle choquera si j’ajoute ne m’être 
à aucun moment  soucié 
des conséquences que notre liaison 
aurait pu entraîner 
dans la vie privée de cette femme. 
Enfermé dans mon égoïsme, 
je ne m'apercevais de rien. "







J'ai fait le choix de vous faire découvrir un passage du roman se situant en Italie … (je vous laisserai ainsi découvrir  par vous-même le  "Paris l’après-midi" de Philippe Vilain ;)

"En Italie, les moindres trajets sont des expéditions. On sait quand on part, jamais quand on arrive. Il n’y avait pas beaucoup de distance à parcourir, mais cela prenait beaucoup de temps pour la parcourir, à cause des routes étroites, du trafic en périphérie de la ville et de la pluie qui redoublait d’intensité pendant que nous roulions. J’avais compris dès mon arrivée que je devais m’habituer de nouveau à vivre à un rythme plus lent, m’adapter à cette lenteur particulière à laquelle condamne la province, rompre avec cet empressement anxiogène auquel Paris m’avait rompu ces dernières années, avec cette exaltation permanente dans laquelle je me sentais pour ainsi dire exister, mais où, si j’y songe, je devais plutôt essayer de m’oublier."

Paris, c’est la folle passion, l’exaltation …
Turin, c’est le renouveau, la douceur de vivre à l’italienne, l’éloge de la lenteur.

...

J’en profite pour vous parler de cette ville italienne qui me fait rêver : Orvieto, en Ombrie,  la "capitale des villes lentes", en quête d’un mode de vie plus harmonieux, plus fraternel.  Dans ces "villes lentes", les parkings sont remplacés par des terrasses de café, les places de stationnements par des bancs publics où les habitants se retrouvent pour refaire le monde … Je rêve souvent d’Orvieto …



mardi 12 février 2013





 La couverture magnifique de ce recueil de nouvelles 
a fait renaître aussitôt chez moi 
de lointains souvenirs. 

Petits matins brumeux à la gare de Creil, 
7h30 du mat (heure d'arrivée du train en provenance de Longueau), 
traversée de la place Carnot, 
passage obligé au dessus de l'Oise, reflets changeants  ... 
jusqu'à la rue Jules Michelet... 
(Combien de fois ai-je pu faire ce trajet en 10 ans ?...)
De la "doc centrale", je me souviens qu'il m'arrivait de laisser mon regard s'égarer 
sur le quai d'Amont.
Sentiment fugace d'avoir trouvé ma place, 
de savoir quoi faire de ma vie ...
au fil de Creil ...


Alors voilà qui commençait bien ... 
Même si je ne suis pas une fana de la nouvelle, 
ce petit bouquin m'a ravi, dés les premières lignes. 
Et c'est avec un  plaisir croissant, qu'au fil des pages, 
j'ai fait la connaissance de ces personnages louftingues,burlesques,frappadingues ... 
comme je les aime. 




Extrait truculent : 


"Le monstrueux se munit d'un mètre souple tandis qu'elle ôtait ses vêtements. Tout alla alors très vite. Trop vite. Dés qu'elle fut nue, Karl-Heinz ne put se retenir. Devant la cambrure de ses reins, il s'emballa et se jeta sur elle en lui mordillant la nuque.
Elle hurla ; ils luttèrent devant le feu de bois. Comme il avait le dessus, elle saisit le tisonnier et frappa l'homme à la tête. Ce fut lorsqu'elle se munit de la pelle à cendre qu'elle renversa une bûche en feu. Celle-ci embrasa des copeaux. Des flammes importantes envahirent le bureau, puis tout l'escalier. Elle poussa des cris et se sauva à toutes jambes, écoeurée  par l'odeur de cochon grillé qui émanait du cadavre du verrat à culotte de peau."

Voilà un sort cuisant qu'on réserverait bien 
à tous les gros porcs libidineux de cet acabit  !!! 




Cochon chinois 



J'en profite pour vous livrer ce savoureux petit proverbe limousin : 
"Du porc, on ne perd que le cri" 
 ;)


Et puis, c'est la bonne occaz' 
pour vous recommander
 un autre livre de cochon
du même auteur :  


Cocasse !

dimanche 10 février 2013

Un roman qui commence doucement, frôlant parfois l'ennui.
Un homme qui, arrivant à "l'âge des engagements", rencontre une très jeune et très jolie Elisa, allemande venue travailler comme modèle à Paris. 





Il la séduit, et devient alors obsessionnel chez lui le désir de mariage...Il la veut comme un enfant gâté désirerait un beau jouet. Elle accepte de l'épouser.

"Cette assurance, cette preuve d'amour que je venais d'obtenir, sans doute l'avais-je cherchée avec autant d'obstination seulement parce que j'étais sûr qu'Elisa me la refuserait. Entre elle et moi, pour que mon attachement ne faiblisse pas, il m'avait fallu inventer un obstacle susceptible de menacer notre couple, et, pour appréhender la vérité de mes sentiments, tester leur résistance en estimant leurs paradoxes. Peut-être n'étais-je vraiment heureux au fond que dans cette tension née de l’inquiétude  Le bonheur, je le recherchais, certes, mais je ne prenais pas de plus grand plaisir à le traquer, à le débusquer. Une fois atteint, il m’exaspérait, et il fallait très vite que je me mette en quête d'un autre."

A ce moment de la narration, le héros, homme inconstant, agace un peu avec ses états d'âme qui n'en finissent pas. On a presque envie de fermer le bouquin, un brin hérissée.

Et puis, au fil des pages, il se rend progressivement intéressant, séduisant, à dévoiler ainsi ses failles. Car il se montre tel quel, un homme a l'état brut, un homme comme les autres, dans sa quête, ses tentatives désespérées pour accéder à un bonheur qui, à bien y regarder, n'est pas si loin ... 

Alors, quand même, on continue de le suivre dans ses réflexions désabusées ...

Et puis c'est l'été ... à Dresde ... et l'atmosphère change, étrangement. la fausse légèreté des personnages questionne tout à coup, intrigue. 


La fin est bouleversante, inattendue.





samedi 9 février 2013

La Mariée mise à nu 
de 
Nikki Gemmell


Une mère adresse à un éditeur le journal intime de sa fille, disparue un an auparavant.  
Une Emma Bovary des temps modernes, une "épouse parfaite",  qui va oser raconter ses désirs, ses fantasmes les plus fous sous l’influence d’une écrivaine élisabéthaine (pour l’anecdote, il s’agit plus exactement d’un texte anonyme : « de la Valeur des Femmes », aussi intitulé «  Traité prouvant par diverses raisons que les Femmes surpassent les Hommes », dont la Bibliothèque bodléienne d’Oxford possède un manuscrit et dont j’incère, par pure gourmandise, quelques extraits ci-dessous ! ;)







La jeune femme commente donc son quotidien : les premiers jours de son mariage, l’infidélité de son mari, son désir de maternité…et son ennui … immense. 

"Vous vous asseyez à un bureau. Vous agrippez à sa bordure. Respirez à fond. Vous devez vous concentrer sur votre propre livre, vous devez le mettre en œuvre : il faut une échine à votre vie."


"Le devoir d’une épouse est de faire du foyer de son mari 
un lieu empli de bonheur"

La mariée va alors se mettre à nu, et peu à peu s’autoriser à parler cru, avec une charmante délectation qui fait parfois sourire. Elle va gagner en assurance et prendre pour amant un jeune acteur avec qui elle assouvira ses folles envies de femme.

"On ne doit jamais, au grand jamais, garder quoi que ce soit sous un lit" 


Elle voudra apprendre par lui ce que sont les hommes, tous les hommes, leurs désirs inavouables, leurs besoins profonds, leur fragilité.

"D’où vient cette faiblesse frappante chez presque tous les hommes que vous connaissez un tant soit peu ? Leurs gémissements infantiles quand ils sont malades. Ce besoin que les femmes leur demandent des instructions pour elles. Ce besoin de les aider à faire les magasins pour leur trouver des fringues. De leur prendre rendez-vous chez le coiffeur car ils ne sauraient s’abaisser à le faire eux-mêmes. Leur incapacité à décrocher le téléphone quand ils veulent qu’une relation cesse. Ces faiblesses que vous voyez se répéter sont-elles symptomatiques des gens de cet âge, ou bien sont-elles présentes depuis toujours, et les femmes, en secret, le savent depuis toujours ?".


"Une vie a grand besoin de changement dans la continuité ".


Un roman que j’ai dévoré il y plusieurs années et qui m’avait frappé par sa fraîcheur mêlée d’érotisme pur. Au départ, Nikky Gemmell a publié ce livre anonymement parce qu’il lui était impossible de dévoiler son « moi secret ». A ce sujet, elle dit ces mots magnifiques :

 "Une fois acceptée l’idée de garder le secret sur mon identité, tout s’est mis en place. J’étais soudain comme une femme sur une plage étrangère, sûre de ne connaitre personne et qui exhibe joyeusement son corps, sans souci du qu’en dira-t-on ; j’avais ouvert la porte d’un nouveau monde intrépide et exaltant, je pouvais dire tout ce dont j’avais envie (du moins le croyais-je), tous ces secrets que les femmes peuvent penser mais sans jamais en parler, et nul ne saurait jamais que c’était moi. " 



Michel DUPUIS ("Femme brune sur une plage" huile sur toile)


nb : Nikky Gemmell a été découverte par une journaliste sans scrupules … elle a donc inscrit son nom sur la couverture par obligation, ce qu’elle trouva finalement "étonnamment gratifiant" car "les lecteurs ont réagi avec beaucoup de sympathie et de ferveur à l’inébranlable honnêteté de La mariée mise à nu". 
Comme quoi …on gagne TOUT à être soi-même … :)

vendredi 8 février 2013



Un air de dolce vita
[…] elle a enroulé autour de son visage un foulard qui s’envole et elle se rappelle soudain qu’il existe un mot pour désigner –suprême raffinement- les pans d’un ruban de chapeau de femme, qui flottent sur la nuque, une image on ne peut plus délicate, dont on ose à peine croire qu’elle ait pu être fixé par le vocabulaire, un miracle de la langue française, un délice absolu, à peine croyable tant il paraît approprié, et ce mot, c’est « suivez-moi-jeune-homme », mais c’est elle qui le suit, le jeune homme insensé, ce rital peut-être fou, elle qui accepte sa folie, s’y soumet, elle qui s’enivre de sa fougue […]








Une femme qui choisit la solitude pour écrire,  prétexte pour se retrouver seule face à elle-même. 
Une femme qui pourrait sembler égoïste, insensible, sans-cœur, mais qui, d’après moi, va simplement jusqu’au bout de ce qu’elle est ... parce que lucide, entière, et refusant les concessions. 
Une femme guerrière qui oscille entre un besoin puissant de se libérer de toute entrave et la peur que provoque la liberté qu'elle s’offre en aimant cet homme, si jeune …




"C'est peut-être cela qu'on cherche à travers la vie, 
rien que cela.
Le plus grand chagrin possible pour devenir soi même avant de mourir" 

Louis Ferdinand Céline



Certains choix, d’une terrible violence envers les autres, envers soi-même, sont néanmoins vitaux …


dimanche 3 février 2013

Nous étions faits pour être heureux - Véronique Olmi


Un livre qui m'a parlé. D'abord doucement, en chuchotant au creux de mon oreille...puis plus fort, et encore plus fort, jusqu'à crier, hurler, tonitruer violemment...
Un roman qui brame au fond des bois, qui fait monter les larmes.
C'est délicat et c'est brutal, c'est tendre et c'est cruel, comme ces douleurs à l'âge innocent qui rendent la vie d'adulte tellement épineuse.
Une rencontre entre une accordeuse d'âme et un blessé de l'enfance. Une femme ordinaire qui rend la vraie vie possible en posant des mots, comme des notes de musique, sur ses incompréhensions à lui.
Il y a des livres qu'il est impossible d'oublier, comme ces rencontres improbables qui bouleversent une vie. "Nous étions fait pour être heureux" sera de ceux-la.

Extrait :
"Quelques jours plus tôt j'avais rencontré Serge.
Sans le savoir, car nous rencontrons tant de monde, et s'il fallait retenir tous les hommes à qui l'on se heurte, les portes que l'on passe en croisant ceux qui entrent et ceux qui sortent, 
qui vivent dans le sens inverse, et pourquoi un seul, soudain, se détacherait-il lentement du flot, s'adresserait-il à vous et aurait-il réellement quelque chose à vous dire ? "